Magnificat, op.42

1950-1951

A Notre-Dame de Paris, le Magnificat qui conclut les vêpres était chanté en alternance : un verset psalmodié par le chœur, un verset improvisé à l’orgue.

Le Magnificat pour 4 voix mixtes et deux orgues reprend cet échange chœur-orgue. Les choristes chantent l’intégralité des douze versets, les interludes du grand orgue figurent une sorte de deuxième chœur, résonateur lyrique préparant ou faisant écho aux interventions des voix.

La variété des idées et des sentiments exprimés dans ce Cantique de la Vierge, imposait de concevoir un facteur d’unification si l’on voulait éviter la dispersion et le morcellement de l’expression musicale. L’inspiration de Saint-Martin, ou plutôt le fruit de sa méditation, semble avoir été que chanter le Magnificat, c’est chanter l’immense vénération que l’on doit à la Mère de Dieu, mais aussi chanter la louange due au Sauveur pour un tel don. Chanter le Magnificat, c’est donc chanter « Salve Regina », et, en consonance avec Marie, chanter le « Te Deum ». Or les mélodies grégoriennes ton simple du Salve et du Te Deum sont apparentées. L’inspiration a donc été d’utiliser les premières notes de ces mélodies pour en faire le thème principal qui parcourt l’œuvre, et, concentrées harmoniquement, d’en faire une sorte d’accord-thème qui apparaîtra à plusieurs reprises. A partir de là, s’engendrent les diverses transformations thématiques et  harmoniques.

Joie débordante de l’introduction que suit l’exultation harmonique et rythmique d’un interlude du grand orgue avant le chant presque dansant de l’« Exultavit ». Après quoi le grand orgue se fait plus grave, méditatif, comme pour aller plus avant dans cet événement incroyable, une fille d’Eve portant en elle la gloire de Dieu ! Et crescendo, le grand orgue sur un rythme à nouveau presque dansant, nous conduit à un déploiement éclatant de la mélodie du Te Deum par le chœur à l’unisson.

Contraste immédiat : pianissimo, le grand orgue dilue et métamorphose ce thème et le chœur fait entendre le thème que l’on pourrait dire de l’Amour miséricordieux. Crescendo du grand orgue vers une nouvelle affirmation de la puissance divine, relayée par le chœur « fecit potentiam ». Une fugue vigoureuse en rupture de style au beau milieu de l’œuvre (110 mesures avant la fugue, 107 mesures après), produit une sorte de vide harmonique au sein duquel  la dispersion des notes figure la dislocation de la suffisance des orgueilleux : « dispersit superbos », « potentiam fecit ».

Pianissimo, s’élève la flûte 8’ du grand orgue. L’orgue de choeur intervient, les deux orgues se répondent harmonieusement. Au-dessus de ce dialogue, les soprani viennent chanter la promotion des humbles ; puis les ténors chantent le rassasiement des pauvres ; les alti, l’amour paternel du Seigneur ; toutes les voix se réunissent enfin pour proclamer que, depuis toujours, le Seigneur l’avait annoncé. Un rythme, une dynamique et des modulations de plus en plus intenses soulignent cette progression qui débouche sur le « Gloria Patri ». Annoncé au grand orgue dans un crescendo triomphal, le chœur le reprend avant un « sicut erat » presque euphorique.

Et, dans l’écho du dernier accord, monte très recueilli, au grand orgue, puis à l’orgue de chœur, puis au chœur lui-même, le chant de l’Amour miséricordieux qui conclut l’œuvre. « Salve Regina, mater misericordiae ».

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